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PACO IGNIACIO TAIBO 2 LE POLAR JOUISSIF, PLUS VRAI QUE LA VIE MEME

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PACO IGNIACIO TAIBO 2   LE POLAR JOUISSIF, PLUS VRAI QUE LA VIE MEME

Le chouchou de beaucoup de lecteurs français surtout ceux qui connaissent le Mexique était invité de QUAI DU POLAR ce week-end à Lyon. Près de lui son vieil ami cubain Léonardo Padura, qui lui soumet ses manuscrits et dont Taibo a fait publier le premier. Tous deux ont en commun un large répertoire, du journalisme à l’Essai Historique, biographie, etc…et des enquêteurs pétris d’amitié, d’humour et amoureux de leur territoire. Poètes en quelque sorte. Tout en luttant contre le mal.

On a donc pu les entendre ensemble et les voir comme des potes déambuler par la ville à l’heure du polar.

Mais la rencontre propre à Taibo2 quoique matutinale était donc réservée ce samedi aux aficionados. A tel point que le traducteur avait oublié de se lever et qu’un professeur de lettres mexicain, animatrice de l’émission latino à Radio Pluriel s’est portée volontaire.

Après y avoir évoqué sa formation par les livres, et laissé entendre le plaisir d’écrire mais aussi l’excitation du métier littéraire, les aspects prédateurs de l’écrivain, il a répondu par une vision à la fois large et sans relâche contre les maux de la sociétés.

D’ailleurs lors de la rencontre collective sur l’Amérique Latine il avait commencé par évoquer la jeune fille arrêtée par la police sous les palmiers d’ une plage privatisée. Le gouvernement mexicain bradant ses rivages à des hôtels et entreprises internationales, volant son patrimoine au peuple.

Issu d’une famille d’exilés espagnols républicain, Paco enfant a été formé dans le goût du livre « bouche des muets, yeux des aveugles et oreilles des sourds » disait son oncle à l’enfant qui voulait alors seulement écrire des poèmes pour séduire une fille. Mais il est de cette génération formée par le roman (« on se forme par le lu mais aussi le vu, le senti, l’entendu ») au-delà du cadre scolaire. Avec les 3 Mousquetaires nous étions contre tous les cardinaux » et « avec Monte Cristo pour la justice. Contre l’église qui n’autorisait pas à fumer dans les églises ! »

Son père de façon surréaliste tout en tirant avec du pain dur sur les canards des parcs depuis sa chaise roulante, lui posait la question existentielle « que veux tu faire dans la vie ? »

  • Pompier, trapéziste, écrivain. Répondait d’abord l’enfant.

Qui finit par constater que les deux premières activités pouvaient être comprises dans le métier de l’écrivain qui peut être tout ce qu’il veut à la fois.

En tout cas les festivals de littérature sont très amusants et beaucoup plus subversif qu’il y paraît. « Rien à voir avec une ambassade du tourisme mexicain ! »

Car la réalité mexicaine est complexe et le mal présent quotidiennement. « Un mendiant peut en prendre pour 6 mois pour un vol à la sortie d’un super tandis que les banquiers qui volent des millions se la coulent douce aux Bahamas »

« Le roman relie le niveau Objectif et subjectif et par là est plus profond que le journalisme et la sociologie. » « Et en plus il crée une atmosphère. » Donc dans un pays de fonctionnaires incultes et de président qui ne peut citer d’autre titre de livre que la Bible le roman est fondamental

(On sait le rôle des Brigades du Livre pour Paco Taïbo. Hélas le présentateur ne le sait pas. Et Paco modeste n’en parle pas. Il évoque l’amusement et le plaisir des salons du livre. Il est vrai que ses signatures sont joyeuses et pas narcissiques comme tant d’autres.)

« Mais le travail littéraire, le métier de l’écriture doit se compter en heures fesses » 6000 heures fesses. Pour revenir, corriger… Il lui faut prendre partout, chercher.

(Il explique la genèse du retour des Tigres du Bengale) :

« J’ai du me demander comment écrire un livre d’aventure dans un monde où la seule aventure est de savoir si on va pouvoir coucher avec la secrétaire de son patron ! » Il lui a fallu forcer sur la psychologie, la qualité des dialogues, celle de la cuisine locale, » comme la différence entre le charbon minéral et végétal ». Il est même demandé « comment les crocodiles faisaient l’amour » Et de passer du temps avec le directeur du zoo de Mexico qui lui dit qu’il n’y a « que des caimans au zoo ! ». Il doit chercher ailleurs.

Bref on sent chez lui une très grande conscience professionnelle, une exigence d’artisan.

Et quand on lui dit que son livre est amusant alors qu’il a voulu faire un brulot anti impérialiste ça le désole. Car il y a un but à toutes ces recherches c’est la crédibilité pour un lecteur d’aujourd’hui des problématiques abordées à travers les héros.

Cependant dans Sandokan il a écrit une de ses meilleures répliques.

« Yanès un portugais dit qu’il a rêvé de Dieu.

  • Qu’est ce qu’il t’a dit demande Sandokan.
  • -De lui donner un cigare…
  • Et tu lui as donné ?
  • Non ! Je crois pas en Dieu. » Paco rit de plaisir en racontant ce passage.

Le présentateur lui demande ce qu’il cherche dans l’introduction de personnages littéraires Trotski, Chandler dans ses romans. Est-ce un jeu, un hommage littéraire ?

Tout cela, répond-t-il. Ces personnages ont en plus des rêves et des fantasmes qu’il faut prouver : Trosky écrivant un polar et non une biographie de Staline. Un vide de 10 jours dans la vie d’Hemingway. Ca n’appartient à personne : C’est pour moi !

« La littérature est un jeu dangereux. Peut rendre fou » Quand il écrivait sur le CHE il voyait celui-ci dans ses rêves lui demander de construire des écoles en briques ! Moi incapable de dessiner une maison pour ma fille et pas du tout habile de mes mains. « « Et en plus j’avais l’impression que le CHE n’aimait pas mon livre ! »

Il doit se décontaminer de ses romans et de ses biographies.

« En même temps ces personnages aux rêves étranges comme Houdini pensant à sa maman quand il va se mettre dans le cercueil dont il doit s’échapper ! Raconter ça, c’est faire économiser des heures de psychanalyse au lecteur ! »

En plus l’écrivain est un prédateur, dit il. Il prend partout. « Les personnages célèbres sont de la vraie chair à canon pour l’écrivain. S’appropriant les rêves de ses personnages, les économistes, les bibliothèques, les philosophes, les gens qu’on voit, tout ! C’est rageusement excitant !»

La réalité mêlant tout cela est donc très forte.

On lui demande ce qu’il pense des soulèvements, occupy, printemps arabes. Est-il désillusionné ?

Il répond de manière plus profonde et plus aiguë. « Il faut considérer sur la durée. Les ondes des luttes ont des haut et des bas. « Désillusion supposerait illusion ». « Or c’est plutôt à la mort à la vie contre le mal pour cette génération qui a vu les assassinats et massacres de 68, 70 au Mexique ». Sa génération.

« C’est chaque jour qu’il faut opposer une vision critique, et nous sommes têtus, et plus têtus que mauvais ! et nous serons toujours plus têtus. »

Les applaudissements sont chaleureux. Ensuite Paco est interpellé discrètement par des étudiants et des actifs mexicains et français sur le cas d’Ayotzinapa et il pose avec le petit, tout petit mais actif noyau. Et il regagne le lieu de sa dédicace, avec ces quelques militants signe de cette lutte quotidienne parfois microscopique dont il a parlé et qui le fait vivre et écrire un certain type de littérature.

Merci à lui de son art de conter qui fait passer tant de vie, la vie même !

PACO IGNIACIO TAIBO 2   LE POLAR JOUISSIF, PLUS VRAI QUE LA VIE MEME

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